Installer un cabinet médical chez soi : le guide pour recevoir vos patients sur votre lieu d’habitation

Plan pour transformer une habitation en cabinet médical

Face à l’augmentation des loyers professionnels et à la difficulté croissante de trouver un local de santé, de nombreux praticiens envisagent de transformer tout ou partie de leur habitation en cabinet. Ce choix, encore marginal il y a quelques années, séduit aujourd’hui pour ses multiples avantages : plus besoin de payer un loyer professionnel, les temps de trajet sont réduits à néant, et l’environnement de travail est entièrement personnalisable selon ses besoins et son mode de pratique.

Mais cette solution, aussi séduisante soit-elle, suppose de respecter un cadre administratif, juridique et technique bien précis. Ce guide, vous accompagne étape par étape pour sécuriser votre projet d’installation en toute légalité et sérénité.

Étape 1 : obtenir les autorisations juridiques

Comprendre le "changement d’usage"

Le changement d’usage est une procédure qui permet à la mairie de protéger le parc de logements disponibles dans certaines grandes villes, en évitant qu’ils ne disparaissent au profit d’activités professionnelles. Il est obligatoire dans les communes de plus de 200 000 habitants (comme Paris, Lyon, Marseille, Nice, Toulouse ou Bordeaux), ainsi que dans les départements 92, 93 et 94.

Pour savoir si vous êtes concerné, renseignez-vous directement auprès de votre mairie.

Si votre local est situé dans l’une de ces zones, vous devrez remplir un formulaire de demande de changement d’usage que vous trouverez sur le site de votre mairie. Vous devrez y joindre un plan de votre bien ainsi qu’un justificatif de propriété ou une autorisation écrite du propriétaire, puis déposer le dossier à la mairie.

Sans réponse dans un délai de trois mois, la demande est considérée comme refusée. Si elle est acceptée, l’autorisation est nominative : elle est liée à votre personne, et non au bien.

Comprendre le "changement de destination"

Si le changement d’usage dépend du code de la construction et de l’habitation, il y a un autre concept à bien comprendre : le changement de destination. Qui lui, dépend du code de l’urbanisme et correspond à une modification de l’usage prévu pour un bâtiment. Passer d’un logement à un local de soins entre dans cette catégorie. Selon la nature et l’ampleur des travaux que vous envisagez, vous devrez effectuer soit une déclaration préalable (DP), soit une demande de permis de construire (PC).

Exemples concretsDémarcheDélai indicatif de réponse
Vous ne touchez pas aux murs porteurs ni à la façade et la surface modifiée est ≤ 20 m²Déclaration préalable (DP)1 mois
Vous modifiez la façade (ex. : nouvelle porte PMR) ou créez plus de 20 m²Permis de construire (PC)2 à 3 mois

La déclaration préalable est un dossier très léger, alors que la demande de permis de construire est un peu plus lourde, mais la logique reste la même : expliquer ce que vous faites, montrer que c’est légal et sécurisé.

Plus d'infos sur le changement de destination

Locataire ou copropriétaire : attention aux autorisations nécessaires

  • Si vous êtes locataire, vous devez impérativement obtenir un accord écrit du propriétaire. Sans ce document, l’administration refusera automatiquement votre dossier.
  • Si vous êtes copropriétaire, il vous faudra faire voter en assemblée générale la modification du règlement de copropriété pour autoriser l’exercice d’une activité médicale dans le logement. Cette décision devra être prise à la majorité absolue et consignée dans le procès-verbal de l’assemblée.

Les deux cas où vous êtes dispensé d'autorisation

Deux situations échappent à toutes ces formalités :

  • La téléconsultation exclusive : dans laquelle aucun patient ne se rend physiquement sur place.
  • Les soins effectués exclusivement au domicile du patient : cela peut vous concerner si vous êtes infirmier par exemple.

Dans ces cas, vous pouvez vous contenter d’informer la mairie par écrit de votre situation pour éviter toute confusion ou contrôle ultérieur inutile.

Étape 2 : déclarer votre cabinet comme ERP (Établissement Recevant du Public)

Qu’est-ce qu’un ERP ?

Dès lors qu’un patient entre chez vous pour une consultation, la partie concernée de votre logement devient juridiquement un Établissement Recevant du Public (ERP).

En pratique, la très grande majorité des cabinets à domicile relèvent du type U (santé) en catégorie 5, car ils accueillent moins de 100 personnes simultanément. Cette classification impose certaines obligations, mais ne nécessite pas de visite préalable de la commission de sécurité avant l’ouverture.

Quelles obligations respecter pour un ERP de catégorie 5 ?

Même si les exigences sont allégées, plusieurs éléments doivent impérativement être mis en place :

  • Un registre de sécurité pour consigner les vérifications (extincteurs, installations électriques, incidents…) ;
  • Des extincteurs, en général un par niveau, même si votre espace est petit.
  • Un éclairage de secours (bloc lumineux qui s’allume automatiquement en cas de coupure) ;
  • Une signalétique claire, notamment pour les issues de secours et les plans d’évacuation.

Obligations concernant les ERP

Étape 3 : rendre votre cabinet accessible PMR

Ce que dit la réglementation

Depuis l’arrêté du 20 avril 2017, tout ERP doit être entièrement accessible aux personnes en situation de handicap. Cela signifie qu’un patient en fauteuil roulant doit pouvoir, sans assistance extérieure, entrer dans le cabinet, se déplacer à l’intérieur, recevoir les soins, puis ressortir en toute autonomie.

Guide OùSoigner sur les normes d’accessibilité

Financer les travaux avec le Fonds territorial d’accessibilité (FTA)

L’État peut prendre en charge jusqu’à 50 % des travaux hors taxes, dans la limite de 20 000 €, avec une avance possible de 70 % dès acceptation du dossier.

Déposer une demande d’aide

Si l’accessibilité est impossible : demander une dérogation

Dans certains cas (contexte architectural, contraintes techniques, coûts disproportionnés…), il est possible de demander une dérogation. Cette demande doit être argumentée et validée par le préfet. Elle n’est accordée qu’aux ERP installés dans un bâtiment existant (pas aux constructions neuves) et seulement pour les éléments sur lesquels vous démontrez une impossibilité.

Infos sur les dérogations PMR

Étape 4 : déclarer votre activité et s’assurer correctement

Informer votre ordre professionnel

Que vous soyez médecin, infirmier, kinésithérapeute ou encore orthophoniste, vous avez l’obligation de déclarer votre nouveau lieu d’exercice auprès de votre ordre départemental.

Cette déclaration est désormais suffisante : vous n’avez pas besoin d’obtenir une autorisation formelle préalable. Vous devrez envoyer un formulaire de déclaration accompagné du plan du local et d’une attestation d’assurance responsabilité civile professionnelle, au moins deux mois avant le début de l’activité.

Assurances indispensables : RC Pro et multirisque

L’assurance responsabilité civile professionnelle (RC Pro) est obligatoire pour tous les professionnels de santé. Elle vous protège contre les conséquences financières d’un éventuel préjudice causé à un patient dans le cadre de vos actes. L’absence de cette assurance vous expose à de lourdes sanctions, y compris sur votre patrimoine personnel.

La multirisque professionnelle, quant à elle, n’est pas imposée par la loi mais elle est fortement recommandée. Elle couvre les dommages matériels (incendie, dégât des eaux, vol) ainsi que la perte d’exploitation.

Étape 5 : choisir la bonne structure juridique et gérer la fiscalité

Le bail mixte pour les locataires

Si vous êtes locataire de votre logement, vous devez signer un bail mixte qui autorise l’usage à la fois d’habitation et professionnel. Ce bail doit être rédigé avec soin : sa durée minimale est de 3 ans s’il est conclu avec une personne physique, et de 6 ans avec une personne morale. Le loyer pourra être révisé selon l’indice des loyers des activités tertiaires (ILAT). Il est également vivement conseillé d’ajouter une clause précisant la répartition des travaux liés à la mise aux normes (accessibilité, sécurité incendie, etc.).

Optimiser les charges en tant que propriétaire

Si vous êtes propriétaire occupant, vous pouvez optimiser vos charges en déduisant certaines dépenses au prorata de la surface utilisée pour votre activité. Par exemple : si votre cabinet occupe 20 m² sur 100 m² de surface totale, vous pouvez déduire 20 % de vos charges : électricité, eau, assurance, intérêts d’emprunt…

Pensez également à adapter votre contrat d’assurance habitation, car votre assureur doit être informé que le bien accueille du public.

Ne pas oublier la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE)

Même si vous exercez à domicile, vous êtes soumis à la CFE. Vous devrez remplir le formulaire 1447-C-SD lors de la création de votre activité, puis le mettre à jour chaque année si la surface professionnelle évolue. Le montant de la CFE varie en fonction de votre commune d’implantation et de la surface dédiée à l’activité.

Plus d’infos sur la CFE

Étape 6 : aménager un espace fonctionnel et conforme

Quelle surface prévoir pour votre cabinet ?

Une salle de consultation confortable mesure en général entre 15 et 20 m². Une salle d’attente de 5 m² est suffisante pour accueillir quatre patients simultanément. Les sanitaires PMR, obligatoires dans la plupart des cas, nécessitent entre 3,5 et 4 m². Vous pouvez donc prévoir une surface totale d’environ 25 m² pour aménager un cabinet efficace et agréable à vivre.

Organiser le circuit patient

L’agencement du cabinet doit favoriser une circulation fluide des patients, sans croisement entre les entrants et les sortants. Le schéma classique "Entrée → Attente → Consultation → Sortie" permet de respecter à la fois les exigences d’hygiène, de confidentialité et de sécurité.

Besoin de conseils pour aménager votre cabinet ? Découvrez notre article sur le sujet.

Gestion des déchets à risque infectieux (DASRI)

Si votre activité génère des DASRI (pansements souillés, aiguilles, etc.), vous devez signer un contrat avec un collecteur agréé. Chaque enlèvement devra être accompagné d’un bordereau de suivi à conserver pendant trois ans. Ces déchets devront être stockés dans un local ou un placard dédié, fermé et ventilé, à l’abri des patients et du personnel non autorisé.

Étape 7 : faire connaître votre cabinet

L’installation de votre cabinet est terminée ? Il est temps de le faire savoir !

Vous pouvez par exemple créer une fiche sur Google Business pour apparaître dans les résultats de recherche locaux, avec des photos, vos horaires, et une localisation précise.

N’oubliez pas de mettre à jour vos informations auprès de l’Ordre, sur Doctolib ou sur toute autre plateforme de prise de rendez-vous utilisée. Enfin, certaines Agences Régionales de Santé (ARS) tiennent des annuaires géolocalisés des lieux de soins : il peut être utile de vous y référencer.

Vous cherchez à partager votre cabinet ? Pensez à déposer une offre sur OùSoigner et trouvez facilement vos futurs collègues !