Lutte contre les déserts médicaux : les mesures se précisent sur fond de tensions avec les syndicats

Dans une entrevue accordée à la presse régionale, le Premier ministre Gabriel Attal a exposé les initiatives gouvernementales visant à faciliter l'accès des Français à un médecin, ce qui a entraîné une intensification des tensions avec les syndicats de praticiens généralistes.

Assemblée Nationale Paris Seine 2024

Le gouvernement expose sa feuille de route en matière de santé, détaillant les promesses faites par le Premier ministre, Gabriel Attal, lors de sa déclaration de politique générale fin janvier, dans la presse régionale. Ces annonces surviennent alors que la politique de santé du gouvernement est vivement critiquée, entraînant immédiatement une hausse de tension.

5 annonces à retenir

Ne plus systématiser le passage par le généraliste avant d’accéder aux soins.

Gabriel Attal vise à reconquérir 15 à 20 millions de rendez-vous chez le médecin généraliste dès cet été. Par exemple, les pharmaciens pourront prescrire des antibiotiques pour certaines affections, et l'accès direct aux kinésithérapeutes sera élargi dans 13 départements dès juin.

On connaît enfin le montant de la fameuse “taxe lapin”

Cette mesure, surnommée la "taxe lapin", sera mise en place dès cette année. Si le patient ne se présente pas ou prévient moins de 24 heures avant, une retenue de 5 euros sera effectuée et ira directement au médecin.

Augmentation du temps de gardes pour les infirmiers, dentistes et sages-femmes.

Un "plan d'urgence" est promis pour les zones dépourvues de médecins de garde. Dès cet automne, les gardes en ville seront étendues aux infirmiers, dentistes et sages-femmes.

Augmentation du nombre de médecins formés chaque année.

Le gouvernement s'engage à former plus de médecins, passant de 10 800 en 2023 à 12 000 en 2025 et 16 000 en 2027. De plus, 2 700 nouveaux médecins étrangers ont réussi l'examen leur permettant d'exercer à l'hôpital cette année.

Un meilleur remboursement des consultations chez le psychologue

Le dispositif "Mon soutien psy" sera revu avec une forte revalorisation du tarif de la séance, passant de 30 à 50 euros, et un relèvement du plafond de prise en charge de 8 à 12 séances.

Des annonces qui relancent les tensions avec les syndicats

Des mesures "souvent illusoires, souvent démagogiques et parfois dangereuses" d’après MG France

MG France, le principal syndicat des généralistes, a fortement critiqué les mesures, les qualifiant de "souvent illusoires, souvent démagogiques et parfois dangereuses". En réponse, il a décidé de suspendre sa participation aux négociations cruciales avec l'Assurance Maladie. Les syndicats des médecins spécialistes libéraux ont également exprimé leur mécontentement, annonçant une grève prévue pour juin. "Certaines annonces sont choquantes, nous sommes profondément indignés", a déclaré Franck Devulder, président du syndicat CSMF.

Le “by pass” des généralistes : un point de crispation majeur

La proposition d'expérimenter un accès direct aux spécialistes sans passer par le médecin généraliste, détaillée par le Premier ministre Gabriel Attal dans la presse régionale, a déclenché une vive réaction des syndicats, notamment de MG France. Ils dénoncent une remise en question du rôle du médecin traitant. Agnès Giannotti, présidente de MG France, a exprimé son mécontentement en déclarant que cette initiative représentait "une attaque contre notre rôle dans le système de soins, avec une dérégulation qui ne va profiter qu'aux gens riches, peu malades et qui connaissent le système", dans une interview accordée au "Parisien".

Il est rappelé que, sauf pour quelques spécialités telles que la pédiatrie, la gynécologie ou l'ophtalmologie, les patients sont censés être référés par leur médecin traitant dans le cadre du parcours de soins, faute de quoi ils bénéficient d'un remboursement moindre. En abolissant cette obligation, le gouvernement espère ainsi éliminer le goulot d'étranglement au niveau des médecins généralistes, en raison du manque de rendez-vous et de praticiens disponibles.

Sur la méthode : les syndicats reprochent des annonces qui parasitent les négociations en cours sur la nouvelle convention des médecin.

Les syndicats ont été surpris par ces annonces du Premier ministre, qui ne faisaient pas l'objet de discussions préalables. Ils étaient engagés depuis l'automne dans des négociations pour leur nouvelle convention, axées sur une augmentation de la rémunération des médecins en échange d'engagements collectifs en matière d'accès aux soins. Agnès Giannotti a réagi en disant : "On travaillait sur un système cohérent, basé sur le rôle central du médecin traitant, et Matignon est prêt à le rayer d'un coup de plume". Franck Devulder, président du syndicat CSMF, a également exprimé son mécontentement en qualifiant certaines annonces de "hallucinantes".

Une raison de plus pour appeler à la grève totale du 3 juin pour les cliniques et hôpitaux privés

En parallèle, ces déclarations ont contribué à exacerber les tensions concernant les tarifs des cliniques privées. Les syndicats ont été mécontents du faible taux d'augmentation des tarifs hospitaliers dans le secteur privé lucratif par rapport aux hôpitaux publics. Certains syndicats ont même interrompu leur participation aux négociations. Cette situation a été qualifiée de "déclaration de guerre" par Jérôme Marty, président de l'Union française pour une médecine libre (UFML-S).

Pour rappel, les hôpitaux et cliniques privés avaient appelé à une «grève totale» à compter du 3 juin, pour dénoncer de nouveaux tarifs 2024 qui les «mettent en péril», a indiqué ce mercredi la Fédération de l'hospitalisation privée, qui regroupe ces établissements. «Réunie en comité exécutif exceptionnel, la Fédération de l'Hospitalisation Privée (FHP) a décidé, en lien avec la totalité des syndicats des médecins libéraux, de réagir au choc provoqué» par les annonces gouvernementales sur les tarifs 2024, avec «une grève totale», sauf les activités vitales comme la dialyse, la chimiothérapie ou la radiothérapie, a indiqué la FHP dans un communiqué.

Les services qui «apportent des soins vitaux» ne seront pas arrêtés, et les établissements excluront toute action qui pourrait «aboutir à une perte de chance», a-t-on précisé à la direction de la FHP. La semaine dernière, le gouvernement a annoncé la revalorisation de 4,3% des tarifs des hôpitaux publics et du secteur non lucratif en 2024, mais de seulement 0,3% ceux des établissements privés.

Dans une tentative d'apaisement, le ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux, a affirmé que le dialogue n'était pas rompu avec les syndicats et a souligné la nécessité d'aborder des réformes ambitieuses. Le ministère de la Santé a également assuré que les paramètres de l'expérimentation de l'accès direct aux spécialistes seront élaborés en concertation avec les représentants des médecins.

Malgré les tensions, certaines initiatives du gouvernement, telles que les mesures en faveur de la santé mentale et de la simplification du parcours de soins, ont reçu le soutien de la Mutualité française.