Le Zonage des kinésithérapeutes, de quoi parle-t-on ?
- Contexte de l'Avenant 7
- Objectifs affichés du zonage : Réduire les inégalités d'accès aux soins
- Catégorisation des Zones : Analyse Détaillée et Chiffres Clés
- Concrètement, à quels changements s’attendre ?
- Comment demander un conventionnement en zone non prioritaire ?
- Impact sur les Kinésithérapeutes et les Patients
En France, on compte en moyenne 12,1 kinésithérapeutes pour 10 000 habitants, mais ce chiffre varie beaucoup selon les régions, notamment entre les zones urbaines et rurales. Ces différences créent des inégalités d'accès aux soins, ce qui rend nécessaire une meilleure répartition des professionnels de santé. C'est justement l'un des objectifs de l'Avenant 7, signé entre l'Assurance Maladie et les syndicats professionnels. Comment ce nouveau zonage sera-t-il mis en place, dans quel délai, et quel impact aura-t-il sur les kinés ? On vous explique tout dans cet article !
Contexte de l'Avenant 7
L'Avenant 7 à la convention des masseurs-kinésithérapeutes, signé en juillet 2023, représente une étape majeure dans la régulation de l'installation des kinésithérapeutes en France. Cet accord, conclu entre l'Assurance Maladie et les syndicats professionnels, comporte un important volet démographique qui a pour but de répondre à deux enjeux :
- la répartition inégale des professionnels de santé sur le territoire,
- l'amélioration de l'accès aux soins pour les populations des zones sous-dotées.
Et pour cause, certaines zones urbaines sont saturées de praticiens tandis que d'autres, notamment en milieu rural, peinent à attirer des professionnels de santé. Ce déséquilibre a des conséquences directes sur la qualité des soins et sur les délais d'attente pour les patients.
L’Avenant 7 comprend également d'autres dispositions importantes, telles que la revalorisation des actes, l'accès direct aux kinésithérapeutes, et le développement du télésoin.
👀 Vous pouvez consulter le texte intégral, publié au Journal Officiel, en suivant ce lien.
Objectifs affichés du zonage : Réduire les inégalités d'accès aux soins
Le zonage des kinésithérapeutes s'inscrit dans une politique de santé publique qui vise à garantir une répartition équitable des ressources médicales et paramédicales. L'objectif principal annoncé est de réduire les disparités territoriales en matière d'accès aux soins en encourageant les kinésithérapeutes à s'installer dans des zones où leur présence est particulièrement nécessaire.
Ce zonage permet de cibler les zones en fonction de leur dotation en kiné, et d'y appliquer des mesures spécifiques, allant des incitations financières aux restrictions d'installation. Les zones sont catégorisées en fonction de leur besoin en professionnels de santé, avec des conséquences directes sur les conditions d'installation des kinésithérapeutes.
À noter que ce système de zone existe aussi pour d’autres professionnels de santé qui exercent en libéral et notamment les médecins, infirmiers, orthophonistes, sages-femmes, chirurgiens-dentistes.
Catégorisation des Zones : Analyse Détaillée et Chiffres Clés
Chaque ARS peut ajuster son propre zonage, selon ses spécificités géographiques et démographiques. L’Avenant 7 a défini 4 zones, correspondant à différents niveaux de l’indicateur d’accessibilité potentielle localisée (APL).
Zones Très Sous-Dotées
Les zones très sous-dotées sont celles où l'accès aux soins est le plus difficile. Il s'agit généralement de zones rurales ou de petites villes où la densité de kinésithérapeutes est très inférieure à la moyenne nationale. Dans ces zones, les patients doivent souvent parcourir de longues distances pour consulter un kinésithérapeute, et les délais d'attente pour obtenir un rendez-vous peuvent être très longs.
Chiffres clés :
- Densité moyenne : Dans les zones très sous-dotées, la densité de kinés peut tomber à moins de 5 praticiens pour 10 000 habitants.
- Population concernée : Elles doivent couvrir 15 % de la population française dans le nouveau zonage.
- Délais d'attente : Dans certaines zones très sous-dotées, les délais d'attente pour un rendez-vous peuvent dépasser les 30 jours, alors qu'ils sont en moyenne de 10 jours au niveau national.
Zones Sous-Dotées Supérieures
Les zones sous-dotées supérieures sont mieux pourvues en kinésithérapeutes que les zones très sous-dotées, mais elles restent en deçà de la moyenne nationale. Ces zones incluent souvent des villes de taille moyenne ou des banlieues éloignées où l'offre de soins est limitée, mais où la demande est croissante.
Chiffres clés :
- Densité moyenne : Dans ces zones, la densité de kinésithérapeutes se situe généralement entre 5 et 8 praticiens pour 10 000 habitants.
- Population concernée : Elles doivent couvrir 15 % de la population française dans le nouveau zonage.
- Délais d'attente : Les délais d'attente dans ces zones sont souvent compris entre 15 et 20 jours.
Zones Intermédiaires
Les zones intermédiaires représentent un équilibre entre l'offre et la demande de soins. La densité de kinésithérapeutes y est proche de la moyenne nationale, ce qui assure un accès raisonnable aux soins pour les habitants de ces zones. Ces zones comprennent souvent des villes moyennes bien desservies par les infrastructures de transport.
Chiffres clés :
- Densité moyenne : La densité de kinésithérapeutes dans ces zones varie généralement entre 8 et 12 praticiens pour 10 000 habitants.
- Population concernée : Elles doivent couvrir 40 % de la population française dans le nouveau zonage.
- Délais d'attente : Les délais d'attente pour un rendez-vous dans ces zones sont généralement inférieurs à 15 jours.
Zones Non Prioritaires (Anciennement appelées "Zones Surdotées")
Les zones non prioritaires, également connues sous le nom de zones surdotées, sont celles où la concentration de kinésithérapeutes est bien supérieure à la moyenne nationale. Ces zones incluent souvent des grandes villes ou des régions particulièrement attractives où la concurrence entre professionnels est très forte.
Chiffres clés :
- Densité moyenne : Dans ces zones, la densité de kinésithérapeutes peut dépasser 15 à 20 praticiens pour 10 000 habitants.
- Population concernée : Elles doivent couvrir 30 % de la population.
- Délais d'attente : Les délais d'attente sont généralement inférieurs à 10 jours.
💡La carte Rezone
Pour faciliter la visualisation de ces différentes zones, l'outil Rezone a été mis en place. Il permet aux kinés de consulter la classification des zones en temps réel et d'identifier les secteurs où il existe des opportunités d’installation. Vous pouvez aussi repérer facilement si la zone est éligible à des aides à l’installation.
Concrètement, à quels changements s’attendre ?
Le déploiement du nouveau zonage par les ARS aura forcément des répercussions importantes sur les projets d'installation des kinés. Chaque ARS suit son propre calendrier, mais il est prévu que la majorité d'entre elles auront établi leur nouveau zonage d'ici au premier trimestre 2025.
Voici les informations à vous communiquer concernant la publication des arrêtés des 18 ARS (l’article sera mis à jour régulièrement avec les nouvelles actualités) :
- L’ARS de Bourgogne Franche Comté à d'ores et déjà publié le nouveau zonage de la région le 25 juillet dernier
- Pays de la Loire : publication en septembre 2024 pour une entrée en vigueur au 1/11/2024
Incitations pour les zones sous-dotées
Afin d'encourager les kinésithérapeutes à s'installer dans les zones sous-dotées, plusieurs mesures incitatives ont été mises en place :
- Zones Très Sous-Dotées :
- Primes d'installation : Jusqu'à 49 000 euros pour les jeunes diplômés qui choisissent de s'installer dans une zone très sous-dotée. (Il est prévu que la prime soit versée de manière échelonnée sur plusieurs années).
- Soutien logistique : Les ARS proposent souvent un accompagnement pour l'installation, incluant des aides pour trouver un local ou pour l'achat de matériel.
- Zones Sous-Dotées Supérieures :
- Aides financières : Des subventions allant jusqu'à 34 000 euros pour l'installation dans ces zones.
- Accès facilité aux financements : Les professionnels peuvent bénéficier de prêts à taux réduits pour financer l'aménagement de leur cabinet.
Restrictions dans les zones surdotées
En revanche, pour les zones non prioritaires ou surdotées, des mesures restrictives sont mises en place pour réguler l'installation de nouveaux kinésithérapeutes.
- Quotas et plafonds : L'installation de nouveaux kinésithérapeutes dans ces zones est soumise à des quotas stricts. Cela signifie que le nombre de praticiens pouvant s'installer dans ces zones est limité.
- Conditions de conventionnement : Il devient plus difficile d'obtenir une convention avec l'Assurance Maladie dans les zones surdotées. Les conditions sont plus strictes, avec des critères d'éligibilité plus rigoureux.
Comment demander un conventionnement en zone non prioritaire ?
Dans les zones non prioritaires, le principe du "1 pour 1" s'applique. Cela signifie qu'un nouveau kinésithérapeute ne peut s'installer que si un autre quitte la zone. Ce système vise à maintenir un équilibre dans le nombre de praticiens présents dans ces zones.
Dérogations possibles
Cependant, des dérogations peuvent être accordées dans certains cas spécifiques :
- Dérogations liées à la vie personnelle : Si un kinésithérapeute doit s'installer dans une zone non prioritaire pour des raisons familiales ou personnelles impérieuses, une dérogation peut être demandée.
- Dérogations liées à une offre insuffisante de soins spécifiques : Dans les cas où une zone non prioritaire manque cruellement de certaines spécialités kinésithérapeutiques, une dérogation peut être accordée pour répondre à ce besoin très spécifique.
- Dérogations pour risque économique : Si le non-conventionnement risque de mettre en péril l'activité économique d'un cabinet déjà existant, une dérogation peut aussi être envisagée.
Ces demandes de dérogation sont examinées par le directeur de la caisse primaire d’assurance maladie, qui doit notifier sa décision (approbation ou refus) dans un délai de quinze jours après consultation. La décision est motivée et communiquée par lettre recommandée avec accusé de réception. Si la demande est approuvée, le praticien a un délai maximal de six mois pour finaliser son installation.
À partir de 2027 : Nouvelles conditions pour les futurs diplômés
À partir de 2027, les futurs diplômés souhaitant s'installer dans une zone surdotée devront respecter de nouvelles conditions :
- Expérience professionnelle préalable : Ils devront justifier d'une expérience professionnelle d'au moins deux ans en établissement sanitaire ou médico-social en France.
- Engagement dans une zone sous-dotée : Alternativement, ils devront s'engager à exercer au moins deux ans dans une zone très sous-dotée ou sous-dotée avant de pouvoir s'installer dans une zone non prioritaire.
Impact sur les Kinésithérapeutes et les Patients
Ce nouvel avenant a fait couler beaucoup d’encre au sein des syndicats de kinés et des praticiens eux-mêmes. Et pour cause, il aura des impacts à la fois pour les professionnels et pour les patients. Nous avons compilé différents points de vue que nous avons pu lire.
Pour les professionnels de santé
- Avantages des mesures incitatives : Pour les kinésithérapeutes s'installant en zone sous-dotée, les mesures incitatives représentent une opportunité de développer une patientèle fidèle dans un environnement moins concurrentiel. Le soutien financier à l'installation est un atout majeur pour ceux qui débutent leur activité.
- Challenges des restrictions : En revanche, les restrictions dans les zones non prioritaires sont parfois perçues comme une limitation à la liberté d'exercice. Le choix de lieu d'installation est restreint, ce qui peut compliquer les plans professionnels de certains kinésithérapeutes.
Pour les patients
Les patients seront également affectés par ces mesures, de manière différenciée selon leur lieu de résidence.
- Amélioration de l'accès aux soins : En zones sous-dotées, l'accès aux soins devrait s'améliorer grâce à l'arrivée de nouveaux kinésithérapeutes, réduisant ainsi les délais d'attente et augmentant la disponibilité des soins.
- Effets en zones surdotées : En revanche, en zones surdotées, la réduction du nombre de nouveaux praticiens pourrait limiter les options disponibles pour les patients, et potentiellement allonger les délais d'attente pour obtenir un rendez-vous. Mais cet impact reste a priori limité.
Le zonage des kinésithérapeutes, tel que défini par l'Avenant 7, espère être une réponse aux déséquilibres dans la répartition des professionnels de santé sur le territoire français. Si les mesures mises en place visent à encourager une meilleure répartition des kinésithérapeutes, elles ne font pas l’unanimité auprès de tous les kinés qui vont parfois devoir revoir leurs choix d’installation. Si vous avez un projet de création de cabinet ou de changement de lieu de travail, c’est donc le moment ou jamais, avant l’entrée en vigueur du nouveau zonage.
Si vous êtes à la recherche d’un cabinet ou d’une collaboration en tant que kiné, n’hésitez pas à aller parcourir nos annonces.